Salle d'entraînement

Un sourire chaleureux se dessina sur le visage de la grande jeune femme qui répondait au nom d'Eci, en voyant son petit frère ― enfin, pas si petit que cela... ― enjoué comme le serait un bambin en voyant sa mère. Remplaçait-elle sa mère, justement? Il portait un certain respect pour l'Impératrice, mais elle voyait très bien que son amour qu'il portait pour elle n'égalait aucun autre. Il n'avait d'yeux que pour elle. D'ailleurs, elle ne serait aucunement surprise qu'il lui déclare un jour vouloir l'épouser, même s'il a largement dépassé cet âge enfantin. Quoiqu'avec ce regard si innocent... Elle se doutait parfois de son niveau de maturité ― ou peut-être n'était-ce qu'elle était elle-même trop mature pour les autres. C'était un parfait guerrier, qui ne s'épuissait jamais et qui achevait ses cibles sans jamais broncher, mais, comme dans le cas présent, il était un peu enfantin en réclamant plein et plein de mannequins de pratique, ce qui était en réalité dommage. Bref, c'était peut-être une bonne chose pour lui qu'elle l'ait senti dans la salle d'entraînement habituellement réservé aux chevaliers noirs. Elle considérait qu'il ne faisait que perdre son temps contre ces petites poupées immobiles, qui ne posaient défi qu'à elle-seule, à vrai dire. Ce qu'il lui fallait, c'était de véritables cibles, quelqu'un qui pouvait se battre contre lui, mais malheureusement, il n'y avait qu'elle ici... (L'esclave chargé de s'occuper des pantins n'étant pas une personne pour elle, bien entendu.)

- Tiens tiens tiens... On préfère mieux jouer que faire ses devoirs? ironisa-t-elle, critiquant par la sorte l'exercice rendu trop facile pour son jeune demi-frère. Pour avoir la bonne centaine que tu réclames tant, il va falloir attendre longtemps, tu sais... Après tous, ces esclaves sont si lents! soupira-t-elle en jetant un regard dédaigneux au misérable insecte qui se traînait dans la pièce

Sa grande soeur était tellement géniale. Elle était la plus puissante personne qu'il connaissait, après l'Empereur et lui-même, évidemment, elle était brave, honnête et loyale envers l'Empire, mais douce et gentille à la fois...ou au moins avec lui, puisqu'elle ne semblait pas porter beaucoup de respect aux Tanieths, la race sur laquelle qu'elle allait plus tard règner. Elle était l'idole du petit prince d'Irianeth et elle représentait tout ce qu'il voulait être quand il serait plus grand!...Sauf le sexe féminin, bien sûr...elle était aussi très respectée et elle avait participé à bon nombre de mission avec les chevaliers noirs. Lui aussi avait put en faire partit, à quelques occasions, mais, souvent, son père l'avait jugé trop jeune pour accompagner sa soeur. Trop jeune?! Bah voyons! Il avait douze ans, bientôt treize! Il était assez vieux pour se battre à la guerre, non? Les tanieths se battaient dès qu'ils avait deux ans, environ, alors lui, à douze ans, ne pouvait se battre? En plus, il savait très bien se défendre et l'avait prouver plusieurs fois en vaincant des guerriers tanieths et même plusieurs chevaliers noirs! Mais il y avait une personne qu'il n'était toujours pas capable de vaincre...sa soeur! Mais comment le pourrait-il, alors qu'elle était la plus puissante personne au monde? Eh bien, maintenant, il était prêt, il était en pleine forme, il était échauffé et il avait envi de se battre!

-Tu as raison, les tanieths sont drôlement lents, ces temps-ci. Je songes à aller me procurer un esclave humain qui pourra me servir adéquatement! Mais bon, en attendant plus de pantins pour s'amuser, que dirais-tu d'un petit combat amical? Ça fait un moment que tu ne t'es pas battue, hein? Si tu ne t'entraîne pas avec quelqu'un, tu vas rouiller! Aller, dit oui! Dit le garçon en gardant son grand sourire.

Sa grande soeur était l'une de seules femmes d'Irianeth auprès de qui il se sentait joyeux...en fait, c'était plus une des seules personnes d'Irianeth auprès de qui il se sentait heureux, il n'y avait pas beaucoup d'homme gentils sur Irianeth. Il y avait son père, l'Empereur, qui n'était pas très sociable et qui agissait souvent de façon étrange...mais ne vous m'éprenez pas! Il avait un grand respect pour son père et il l'aimait beaucoup! Ensuite, il y avait l'Impératrice, Vintera...il ne l'aimait pas vraiment et il était pas mal sûr que elle non plus voulait pas trop socialiser avec le prince. Elle n'était que la mère adoptive de Kytes, alors elle pouvait bien ne pas l'aimait, non? De plus, il était pas mal sûr, qu'à la base, l'Empereur l'avait gardé vivant simplement parce qu'il sentait qu'il était très puissant, mais Kytes avait apprit à aimer son père de toute façon. Une autre femme d'Irianeth est la folle Malicia...quelle cinglée, celle-là. Généralement, lorsqu'elle ne s'occupait pasd de son dragon, elle le suivait partout et tentait de reproduire toutes ses actions à la perfection. Kytes avait devinez qu'elle était amoureuse de lui, mais il y a toujours des limites, là...mais bon, lorsqu'elle était relativement calme, c'était quand même agréable de parler avec cette seccyeth. Il regarda sa soeur avec des grands yeux joyeux, espèrant que sa réponse serait positive.

Son petit frère Kytes avait réellement le don, parfois, de la surprendre, de la déstabiliser complètement, sûrement même de l'humilier puisqu'elle devait avoir la bouche grande ouverte, entièrement paralysée, en l'entendant demander un combat. Comment pouvait-elle lui refuser cela? Elle venait de lui dire, indirectement certes, qu'il devait arrêter de se "combattre" avec des pantins pour s'attaquer à une vraie cible, elle ne pouvait pas lui dire qu'elle n'était pas l'adversaire idéal, puisqu'elle venait de rabaisser l'esclave tanieth et qu'elle était la seule personne disponible pour lui... Et elle ne pouvait pas non plus lui dire qu'elle avait d'autres choses à faire, puisque cela semblerait louche et qu'il ferait tout en son pouvoir pour lui débarasser de ses "corvées", pour qu'elle puisse se battre avec lui! Non, elle était vraiment prise dans un piège, elle devait absolument accepter ce petit duel, aussi amical qu'il devait être, peu importe ce qu'elle dirait. Elle devait absolument se ridiculiser, se couvrir de honte, en quelques sortes, et lui, il serait déçu à jamais d'elle, parce qu'elle ne serait pas capable, elle, sa sœur aînée, de remporter un tout petit combat contre lui... Quoiqu'elle pourrait faire "semblant" qu'elle est en mauvaise posture, pour faire "semblant" de lui laisser remporter afin qu'il soit content et fier de lui-même... Oui, c'était toujours possible, mais sûrement risqué, puisqu'il pourrait se rendre compte qu'elle fait "semblant" et il voudrait qu'elle fasse de son mieux...

- Oui, peut-être, en effet, tu as raison! fit-elle avec un certain empressement qu'elle se maudit. Toi, le vaillant guerrier contre moi, la petite princesse en détresse, rouillée et non-réchauffée, pourquoi pas? Peut-être que si tu me bats, Père reconnaîtera pleinement ta valeur et te laissera combattre avec les Chevaliers Noirs, qui sait? rajouta-t-elle avec un petit sourire mielleux qui lui était propre, qui se transforma rapidement en un vrai sourire chaleureux lorsqu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire : c'était bien trop vrai, s'il pouvait montrer sa valeur dans un combat, l'Empereur Noir lui laisserait ce qu'il voulait, c'est-à-dire accompagner l'Ordre Noir dans leurs missions. Il rêvait de faire plaisir à son père, de prouver sa loyauté à tout l'Empire, d'être brave et courageux, bref, comme tous les petits enfants qui veulent être un preux chevalier, combattant bêtes monstrueuses et repoussant l'ennemi par un tour de bras. Pour eux, c'était le plus grand honneur qu'une personne pouvait avoir. Si Kytes prouvait qu'il était capable du mieux, même contre elle, il pourrait devenir un guerrier à part entière, tuant de véritables ennemis et devenant ainsi plus fort. Qui sait, il pourrait sans doute surpasser le chef des Chevaliers Noirs et devenir la véritable fierté de Père, et même attirer l'attention de sa mère sur lui!

- Alors? fit-elle en dénouant le fouet de cuir noir qu'elle portait toujours à sa taille. Es-tu un vrai guerrier comme tu l'affirmes tout le temps, Kytes, ou tu es encore trop jeune? le provoqua-t-elle avec un sourire amusé.

- KYTES! hurla Eci avec colère, en claquant son fouet sur l'épaule de son frère par pur réflexe, étant habitée à punir ses esclaves d'une telle manière lorsqu'ils avaient fait quelque chose de mal. Visiblement très furieuse par les propos que son jeune frère venait toujours de dire, yeux étant agrandis par la rage, moue déformée par la fureur, elle continua à sermonner le jeune prince. Comment oses-tu me dire cela? Comment oses-tu agir ― oh, t'as tout gâché... Père ne voudra jamais de toi comme guerrier maintenant! soupira-t-elle de découragement en faisant les cents pas dans la pièce, ignorant pendant un temps totalement son petit frère. Quel sombre idiot! Mais qu'est-ce qu'il lui prenait? Quoi, il l'aimait tant que cela? Il la préférait à sa mère patrie? Il donnait plus d'importance à elle qu'à son honneur, à sa loyauté? Caim n'en avait que faire des gens égoïstes et individualistes, la preuve; il avait exécuté sans la moindre arrière-pensée sa femme et son sorcier, parce qu'ils accordaient plus d'importance à leurs petites personnes qu'à l'Empire, qu'à leur terre natale! S'il fallait que leur père ― ou pire même, sa mère! ― sache que le jeune Kytes s'occupait plus de la sécurité de sa grande sœur que celle de l'Empire... L'héritière ne pourrait rien faire pour lui!

- Ne dis plus jamais de choses pareilles, Kytes... compris!? Tu n'es pas là pour avoir pitié des faibles, tu dois les tuer! Tu avais juste là, devant toi, une magnifique occasion de m'achever, et tu me parles de donner un avantage! s'emporta-t-elle pour ensuite lui tourner dos. Père... Il connait ta valeur, il sait que tu es puissant. Il a plein d'enfants, plein de jeunes hommes qui ne viennent pas du sang de Mère, et pourtant, il t'a laissé près de lui, parce qu'il sait que tu es mieux que les autres... rajouta-t-elle, plus doucement, en rangeant son fouet, puisque le combat n'avait plus aucune signification pour elle. Je crois qu'il te trouve... trop humain. fit-elle plus bas encore, revoyant une image du Grand Démon sur son trône, riant méchament des esclaves humains qui se tordaient de douleur à ses pieds, faibles et misérables. Leur père n'avait aucune compassion, aucune empathie, ne réservant le peu d'amour qu'il avait pour... lui-même, sûrement. Peut-être appréciait-il Karakyoshi, puisqu'elle était si puissante, mais elle savait qu'il ne faisait que tolérer sa femme, sinon, il n'aurait pas autant de petites vulgaires épouses sans cervelle. Au moins, il avait eu l'esprit de mettre à ses côtés une femme intelligente et puissante... Il savait reconnaître l'étincelle de pouvoir qui dormait en les élus comme Kytes, il savait les exploiter et les faire siennes. Il avait peut-être l'air fou, dérangé par les drogues qu'il consommait, mais au moins, il était assez lucide pour bien s'entourer, ainsi que pour choisir ses guerriers. Kytes avait peut-être l'air de jouer avec ses victimes, mais en réalité, il ne faisait que le pitre lorsqu'il avait le champ libre. Il était peut-être fort, mais les chevaliers noirs pouvaient le maîtriser. Tant qu'il ne pouvait rivaliser avec son père, il ne pouvait se permettre de laisser ses adversaires avoir l'avantage ainsi, même si elle, Eci Starii Praatith, était plus faible qu'un simple garde...

La Reine de Glace lui tourna les talons, visiblement irritée par sa réponse, sans qu'il ne sache pourquoi. Il ne savait même pas ce qu'elle voulait de lui, comment elle avait voulu qu'il agisse, ce qu'elle aurait aimé entendre de lui. Elle était si distante, si refermée, renfermant sa colère des autres ― un peu maladroitement, puisqu'à la voir jouer avec son stylet ainsi, d'une façon si soudaine, même le petit garde qui se vidait de son sang près de lui aurait pu deviner qu'elle était contrariée ― et s'exprimant par de sombres paroles plutôt incompréhensible ― sinon, il était tout simplement un profond imbécile. L'Impératrice Noire s'empressa de retourner dans la forteresse, laissant le jeune Porteur devant son ciel qui sombrait maintenant dans les abysses de la noirceur, quelques faibles étoiles perçant l'encre noire de la voûte céleste. Tear haussa les épaules; elle n'avait qu'à être plus clair, si elle voulait qu'il agisse comme elle le voulait, si elle voulait en faire son pion, son petit soldat de poche. Enfin, le soleil avait disparu, il ne restait plus rien pour lui ici. Il devait retourner s'entraîner. Un courant d'air se mêla dans sa chevelure noire, le poussant tranquillement vers l'arrière, puis l'Enfant des Ténèbres se laissa tomber sur le sol, s'effondra dans ses ténèbres chéries, qui avaient formé un trou noir pendant qu'il laissait le vent marin lui geler les doigts...

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Pendant la petite discution entre la princesse aînée, et donc héritière du trône d'Irianeth, et son jeune demi-frère, le petit mais puissant hybride Kytes, où la grande Eci s'était emportée contre lui pour ne pas être un sans-cœur comme quaisiment toute l'Élite entière, un point noir s'était peu à peu formé sur le sol, entre les deux adversaires, s'agrandissant lentement jusqu'à ce qu'il soit assez large pour laisser passer un être humain. Deux mains enveloppés de cuir noir reluisant, aux renforcements métalliques se posèrent sur le sol, puis, avec un effort apparent du jeune homme, comme s'il se hissait sur le plancher, une personne entièrement vêtue de noir émergea du sol froid, recouvert de fragments de glace, mais se figea lorsque son torse fut complètement exposé à la faible lumière de la pièce, étant frappé à la tête par un rayon mauve venant du jeune prince tanieth. Le jeune humain, dont la seule peau blanchâtre exposée était son visage, n'eut uniquement le temps de tourner la tête vers ce dernier, son regard de sang, agrandit par l'étonnement, dévisageant le petit hybride, avant de figer, son corps ne réagissant plus par la magie du prince. Il n'eut le temps que pour une dernière pensée avant de devenir complètement légume : Que faisait cet idiot de prince ici? Ses bras fléchirent, mais ses ténèbres chéries s'enroulèrent autour de lui, se solidifiant pour le soutenir afin qu'il ne s'étale pas sur le sol, dans les morceaux de glace. Le trou se referma peu à peu autour de lui, sans toutefois le sectionner de ses jambes qui étaient rester dans le monde des ombres éternelles.
Sans se rendre compte, il venait de sauver la princesse Eci d'une honte infinie...

Eci soupira; à quoi bon rester dans cette pièce? Kytes continuait de pleurnicher sur son sort, à implorer la pitié... Elle savait bien qu'il n'était qu'un petit enfant, mais tout de même, les écuyers noirs qui avaient son âge, certains étant à peine plus vieux, certaines jeunes enfants, plus jeunes que lui même, la jeunesse d'Irianeth était si... insensible, si sadiques, si méchants, et lui, il pleurnichait... Quelle honte pour un prince! C'était vrai qu'il n'était qu'un des infinis rejetons de leur Père commun, mais il était le plus fort, celui qui représentait le plus de potentiel, et il s'abaissait à pleurnicher? C'était ridicule. Elle n'avait jamais pleuré, alors qu'elle était si faible et si impertinante, alors que tous les sorciers l'avaient rabaissée, lui répétant comment elle était pourrie en magie, qu'elle était une vraie honte à l'Empire. Elle s'était pris plus d'insultes que lui et Karakyoshi, et pourtant, il pleurnichait parce qu'elle lui reprochait son trop plein de vertues humaines? Il se prenait vraiment pour l'un d'eux, avec leur fameuse justice, leur compassion pour les faibles et leur présumée égalité. Le seul qui était égal, sur Irianeth, c'était Caim. Vintera se rapprochait de lui, Karakyoshi suivait, Kytes, par moment, s'élevait des autres, puis il y avait elle, et les autres. Bien entendu, dans les autres, il y avait les sorciers, les seccyeths, l'élite qui écoutait l'Empereur, puis le reste, misérables ordures. Elle ne comptait pas l'Immortel dans tout cela, puisque celui-ci passait peu de temps avec le peuple d'Irianeth, se considérant au-dessus de tous, et il y avait...

- Ah! sursauta-t-elle en voyant le Porteur des Ténèbres figé par le rayon dégénératif de son jeune frère, après s'être retournée vers lui, sentant une présence magique étrange. Seigneur, Kytes, tu es vraiment doué! Je n'avais même pas remarqué sa présence! Pour s'être rendu compte qu'il venait... Tu es bien meilleur en magie que je le pensais! le complimenta-t-elle, agréablement surprise de sa rapidité d'esprit et ― enfin! ― qu'il l'eut attaqué alors qu'il n'était pas complètement dans la pièce. Quelques instants plus tôt, il aurait attendu qu'il sorte ses armes pour l'attaquer. Je suis très fière de toi, mon petit démon chéri! Ne t'inquiètes pas, je vais en parler avec Papa-chéri, he he he! fit-elle sur un ton joyeux en se dirigeant vers la sortie.


Eci quitte.